Alexandre Castant

Le Temps de l’écoute

Catalogue

« La Chrysalide – À propos des relations trans-sémiotiques » in Le Temps de l’écoute – Pratiques sonores et musicales sur la Côte d’Azur des années 1950 à nos jours, dir. par Jean-Marc Avrilla et Éric Mangion, Les Presses du réel, coll. « Villa Arson », Dijon et Nice, 2013.

Le Temps de l’écoute – Pratiques sonores et musicales sur la Côte d’Azur des années 1950 à nos jours
[communiqué de presse]

Cette publication est l’aboutissement d’une recherche sur les pratiques sonores et musicales sur la Côte d’Azur des années 1950 à nos jours. Mené à partir de 2007 par Jean-Marc Avrilla, rejoint en 2009 par Éric Mangion, ce projet n’a cessé d’évoluer jusqu’en 2013. Son principal objet reste l’exposition éponyme organisée à la Villa Arson en 2011, qui a réuni une trentaine d’artistes. Les responsables de la recherche n’ont pas souhaité organiser une exposition hagiographique, composée uniquement d’archives. Ils ont confié le traitement de l’histoire à des jeunes artistes qui ont, chacun, interprété une œuvre ou une séquence du passé, donnant lieu à une quinzaine de duos et de trios d’artistes / musiciens (Pascal Broccolichi & Lars Fredrikson, Vincent Epplay & Robert Malaval / The Rolling Stones, Vincent Epplay & Opération Re-re, Jérôme Joy & Jean Dupuy, Jérôme Joy & Collective Jukebox, Ludovic Lignon & Lars Fredrikson, Arnaud Maguet & Sun Ra, Arnaud Maguet & Jean-Jacques Lebel / Soft Machine, Arnaud Maguet & Richard Prompt, Isabelle Sordage & Éliane Radigue, Isabelle Sordage & Éléonore Bak, Gauthier Tassart & Thomas Köner, Gauthier Tassart & Jean-Pierre Massiéra, Christian Vialard & Yves Klein).
Jean-Marc Avrilla et Éric Mangion ont également invité le collectif The Bells Angels (Simon Bernheim et Julien Sirjacq) à produire une pièce sonore (Dans le labyrinthe), à participer à la scénographie de l’exposition, tout comme à sa médiation grâce à un ensemble d’informations collectées pendant les mois de leur résidence sur place. C’est une partie de ces documents qui est publiée ici. On y retrouve les artistes déjà cités mais aussi Luc Ferrari, Michel Magne, Michel Redolfi, Céleste Boursier-Mougenot, Pierre Beloüin, Pierre-Laurent Cassière, Benjamin Blaquart, Jérôme Grivel, les Stranglers, les Playboys ou les Dum Dum Boys, tout comme des références aux concerts Fluxus, à Daniel Caux et aux Nuits de la Fondation Maeght, au Festival Manca, à Mood, aux ateliers de Clans, au Dojo, à La Station, à Locus Sonus, aux labels Tiramizu et Les Disques en Rotin Réunis, au Zona Archives de Maurizio Nannucci, ainsi qu’à l’exposition pionnière Murs du Son produite à la Villa Arson en 1995 par Jean-Philippe Vienne.

Cette publication s’est construite au fil du temps par The Bells Angels comme une cartographie non stable, dépassant très souvent les limites de la Côte d’Azur. Des textes ont été commandés à Julien Bécourt, Alexandre Castant, Philippe Robert, Thibaut De Ruyter. On y découvre des frontières poreuses et mouvantes entre les styles, les artistes et les époques. Ont été privilégiés les récits des expériences et l’esthétique du fragment, rendant ainsi hommage à Daniel Charles, philosophe et musicologue, enseignant à l’université de Nice durant de nombreuses années, qui a tant marqué les esprits par sa conception aérée et aérienne de la musique et des pratiques sonores de notre temps.

                                                                                                                                     Les Presses du réel

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La Chrysalide – À propos des relations trans-sémiotiques
[introduction]

Boucle, onde qui s’ouvre et se rétracte, pluie sonore, suspendue, cyclique, élégiaque ? L’expérience, saisissante, du concert d’Éliane Radigue Trilogie de la mort, joué le 7 juillet 2011 dans le cadre de l’exposition Le Temps de l’écoute – Pratiques sonores et musicales sur la Côte d’Azur des années 1950 à nos jours et dans l’amphithéâtre à ciel ouvert de la Villa Arson, reste inexorablement, et paradoxalement, associée au cadre théâtral dans lequel elle s’est produite. En effet, si les modulations vibratoires – faites de variations de tensions électriques – de La Trilogie de la mort procèdent aussi bien de la musique électroacoustique que d’un minimalisme méditatif et mystique, elles participaient également de la vision qui, cette nuit-là, les accompagnait. La Trilogie de la mort, œuvre sculptée, modelée comme un éloge de l’invisible par la musicienne et compositrice, se développait dans le décor de la Villa Arson : une terrasse austère et cimentée, qui surplombait la mer Méditerranée, protégée par des arbres que métamorphosaient le crépuscule puis la nuit… L’étrangeté, granulaire, de la texture de l’œuvre électronique d’Éliane Radigue s’y enroulait, comme une vague infra-sonore sur cette scène vide (à l’instar du théâtre aride et minéral, céleste et végétal, du film Antigone de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub où mots, images et sons se déploient aussi). Une image associée était inexorablement produite à l’écoute musicale de La Trilogie de la mort, à la diffusion de son immatérialité même… Et c’est précisément à l’analyse des enjeux esthétiques de cette expérience commune de l’image et du son – de ce corps noueux qui reste l’un des fondements du langage de l’art moderne et contemporain – que l’exposition Le Temps de l’écoute contribue.

[…]

A. C.

Ce texte a été repris, dans une version sensiblement différente, dans Journal audiobiographique :
<http://www.editions-scala.fr/livre/journal-audiobiographique/>